Dans le cadre du stage en
entreprise requis en vue de l'obtention du Certificat de
Spécialisation « utilisateur de chevaux attelés » au
CFPPA de Montmorillon, j'ai choisi de passer 15 jours (du 23 février
au 6 mars 2015) chez Armelle et Jean-François Cottrant près
d'Uzerche. Délaisser un temps les chevaux de trait soit, mais pour
des ânes, j'avais bien senti comme une interrogation chez mon
formateur quand je lui avais annoncé ma décision. Ignorant tout de
la « pratique des ânes au travail », n'ayant jamais
côtoyé d'ânes de près ou de loin, mais passionné de longue date
par tout ce qui touche aux relations -et à la communication- entre
humains et animaux, qu'ils soient domestiques ou sauvages, au travail
ou dans la nature, j'avais enfin l'opportunité d'approcher « le
petit peuple des ânes ».
Penser comme un âne
C'est bien aussi cette
connivence et cette intimité perdue avec des animaux au travail dans
les campagnes, qui n'excluent pas une familiarité qui peut paraître
parfois un peu brutale vue de la ville, que j'avais envie de
connaître. Il me faudrait « se laisser aller à sentir les
choses ». Pour cela, j'avais besoin d'un diplomate pour
m'aider à rencontrer l'âne comme une autre manière d'être
vivant, de voir et d'aller. Le diplomate, étymologiquement, est
« plié en deux » : entre deux langages, deux
comportements, deux systèmes d'intérêts. C'est ce qui le rend apte
à être négociateur et interprète, entre les humains et les ânes
; formé à penser comme un âne (n'y voir aucune allusion de
mauvais goût). Ce serait Jean-François, avec ses hardes de races
normande et cotentine. Pensez donc, pas moins d'une trentaines d'ânes
rien qu' à Condat-sur-Ganaveix, et encore une quinzaine chez Armelle
dans leur berceau de races, dans l'Orne. Rencontré lors d'une
journée de formation technique au CFPPA sur la traction animale -
savoir différencier force, travail et puissance, pour travailler
dans la durée et le respect du confort de l'animal-, l'homme était
venu avec un traîneau, des bidons de lait, mais sans ses ânes, pour
des essais de mesure (avec un dynamomètre) des forces de traction
exercées par un équidé au travail tractant un outil, notre cheval
de trait poitevin en l'occurence. J'avais été séduit par son
parcours, son expérience professionnelle, son propos, sa simplicité
et sa générosité. Dans sa promotion de la traction asine, c'est
aussi une philosophie de vie au quotidien avec les ânes au travail
qui s'exprimait. Je tenais enfin mon diplomate.
Les oreilles au garde-à-vous... et Jean-François vient "cueillir" celui qui va s'y coller aujourd'hui |
Ânes en stock
Pendant ces quinze jours,
j'ai pu travailler avec 10 ânes différents, mâles castrés et
jeunes entiers de 18 mois pour les plus jeunes dans une grande
variété d'usages et de conditions, de harnachement, d'attelage et
de menage. J'ai pu observer et approcher les différents tempéraments
et comportements des ânes au cours des étapes successives de
travaux ou d'exercices. Apprécier aussi, modestement, les progrès
respectifs au cours de ces deux semaines, sur de jeunes ânes comme
Djembé, Cadichon, ou Balluchon, un âne intelligent mais fantasque…
mis à l'attelage, en simple, en paire ou à trois, au débardage en
simple ou en paire, ou encore au cordeau, pour la première fois.
J'ai pu aussi constaté différents tempéraments dans le travail
d'ânes déjà formés et expérimentés. Découvert que trois ânes
à l'attelage sont capables d'effectuer le même travail qu'un cheval
de trait de 750 kg sur la même durée, 6 heures.
L'attelage à trois, le plus adapté pour les travaux agricoles et forestiers de longue durée... la belle innovation de Jean-François. |
Bon, mais en dehors de Vidocq et de Canaille... je n'arrive toujours pas à les reconnaître, ces ânes ! |
Onze paires d'oreilles
au garde-à-vous
Ma première rencontre
avec les « ânes chocolat » dans le pré des mâles,
accompagné de Jean-François, ce sont onze paires d'yeux et onze
paires d'oreilles dressées au garde-à-vous qui déjà vous lisent.
On sent une confiance, une curiosité, un intérêt peut-être, une
interrogation aussi : ce sont lesquels d'entre-nous qui vont s'y
coller aujourd'hui ? Tandis que Jean-François, avec ses « salut
les cocos » amicaux, d'une voix douce et chantante, les
licols masqués dans son dos toutefois, approchent les élus du jour
d'un pas calme, pour leur passer le bras délicatement sur
l'encolure, sans cesser de parler à chacun. Je n'ai observé de
foulées d'insoumission ou de révolte, ah les bien grands mots, qu'à
une occasion, et jamais au-delà d'une trentaine de mètres, dans un
pré d'environ 6 hectares. C'est tout dire !
Rodéo et son bât pour le chantier de réparation de clôture du pré des femelles |
Des « courtis'ânes »
dans leur écrin de fougères
Une autre rencontre rare,
c'est celle avec la troupe de femelles, les « courtis'ânes »,
pressées à l'entrée du pré dans leur écrin de fougères pour
accueillir Rodéo, un mâle castré équipé de son bât à échelles
du Queyras pour réparer une clôture. Bon, mais en dehors de Vidocq,
avec ses oreilles roussies, et Canaille, un jeune entier chétif, je
n'arrivais toujours pas à les reconnaître au pré, ces onze ânes,
après quinze jours de travaux quotidiens. Qu'importe. Cette première
fois chez le petit peuple des ânes au travail, chez Armelle et
Jean-François, cela s'appelle le bonheur.
les "courtis'ânes", la harde des douze femelles dans leur écrin de fougères. |
Rodéo au départ pour le tri collectif à Condat-sur-Ganaveix. version originale du bât à échelles queyrassin. |
Jean-Jacques Blanchon
Quel hommage (bien mérité) !!! cher Jean François pour toi et tes ânes fantastiques.
RépondreSupprimerMerci mes amis Armelle et J.F pour ce que vous donnez et transmettez d'humanité...
M. de savânes