Voici un article paru dans le journal LA TROUSSE de mai-juin 2016
Les
ânes du gîte
Par
Philippe Van Assche
En
contre-bas de Condat-sur-Ganaveix, se trouve le petit hameau de
Vernéjoux. Les ânes du gîte sont là. Une quarantaine de petits
équidés du Cotentin et de Normandie paissent joyeusement autour de
ce noble lieu de pratique et de formation à la traction asine.
Rencontre avec Jean-François et Armelle.
« A
sept ans j'ai dit à ma grand-mère : je reprendrai ta ferme. A
presque 60 ans, j'ai repris une exploitation où j'élève des
ânes ». Entre
temps, Jean-François ne fait pas l'âne mais Normal sup et une thèse
en christalo-chimie, travaille 10 ans à St Gobain, démissionne pour
monter une entreprise de débardage à cheval, puis réintègre la
fonction publique par l'enseignement et devient responsable de la
traction animale pour les haras. C'est ainsi qu'en 2006 il arrive à
Pompadour. En 2012, il démissionne encore pour fonder son activité
de transmission pour le développement de l'initiative asine. La
tonte à la tondeuse hélicoïdale tractée, le transport du tri des
déchets, la livraison à domicile, l'asino-bus, le biblio-âne
(balade-lecture une fois par semaine à Uzerche en été), les
possibles ne manquent pas. Il poursuit les traces d'un sillon
ancestral.
« A
chaque fois que tu mange un bol de riz, il y a une chance sur deux
qu'il soit fait en traction animale. Et il s'en mange du riz dans le
monde ! ». Jean-François plante le décor. La traction
animale nourrit le monde. Un milliard 200 millions d'exploitations
sur la planète. 32 millions en tracteurs, 800 millions sans
assistance et environ 400 millions en traction animale. Parmi eux 100
millions d'équidés dont la moitié sont des ânes. Mais en France,
la traction asine est mal répertoriée. Elle n'est pas une activité
en soit. Les utilisateurs sont maraîchers, débardeurs,
accompagnateurs en moyenne montagne. A Vernéjoux, on vit de l'âne
pour le réintégrer partout où il constitue une bonne alternative
au moteur à explosion. Une démarche d'élevage -pour sélectionner
des animaux propice au travail- et d'éducation.
« Je
dispose d'un outil à plusieurs vitesses : en fonction du
travail à fournir j'attelle un, deux, trois, quatre, cinq, six...
ânes ». Et dans ce monde où tout va vite, où la rentabilité
est la mesure de tout, Jean-François nous prouve par A+B qu'il y a
une place pour l'âne. Après, tout dépend du monde que nous voulons
dessiner. Pour les petits travaux de maraîchage, dans une
exploitation à taille humaine et respectueuse de l'environnement,
l'âne est le compagnon idéal. Et la tendre machine à crottins a
même bien des avantages : passe-partout, délicat (ne laboure
pas en profondeur), précis, propre (ne pisse pas de l'huile mais de
l'urine), et son dos est à hauteur d'homme. Bien sur, il lui faut
un carré d'herbe, mais pas tant que le cheval. Par chez nous, un
demi hectare lui suffit amplement. Cheval du pauvre, l'âne a un bon
rapport poids/capacité de traction.
« Ce
serait mal-honnête de montrer quelque chose que je ne pratique
pas !» Le gîte des ânes n'est pas un parc d'attraction mais
bien de traction animale. L'activité de formation y est ancrée dans
la pratique. La ferme aux allures de château de conte de fées
fonctionne bien au pas de l'âne : emmener l'eau, le foin, faire
les clôtures. Un quotidien sans tracteur. C'est cette expérience
qui est transmise dans des propositions de formation variée :
entretien de l'espace, débardage, maraîchage, éducation du jeune
âne, attelage multiple, et autres à la demande. On vient voir
Jean-François pour répondre à des problèmes pratiques, pour un
développement plus humain et réconcilié avec l'organique. Parce
que l'âne trouve sa place dans une société de main d’œuvre et
pas d'investissement. Un monde où le temps se prend plutôt qu'il se
gagne.
lesanesdugite.blogspot.com
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